Dans le cadre de la concertation sur l’aménagement du cœur de ville des Mureaux – quartier gare, Res publica a imaginé, organisé et animé un atelier, à destination des jeunes de la ville, autour du jeu vidéo Minecraft.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme « Action Cœur de ville » et vise à redynamiser le centre des Mureaux ; il s’agit de définir une offre commerciale renouvelée, de nouveaux espaces publics désimperméabilisés et végétalisés, un pôle des mobilités restructuré. Le projet prévoit aussi la déconstruction/reconstruction de logements neufs.
La ville a fait le choix d’organiser une démarche de concertation sur le projet afin d’informer les habitants de son contenu et de recueillir leurs besoins et leurs attentes sur le cœur de ville de demain. Dans ce contexte, un atelier spécifiquement à destination des jeunes a été organisé. Une vingtaine de filles et de garçons, âgés de 8 à 16 ans, ont pris part à cette animation. Tous et toutes maitrisaient déjà les bases du jeu vidéo. Un adulte, très engagé dans la démarche de concertation, a également souhaité prendre part à l’atelier.
Pour mobiliser les jeunes, une frange de la population souvent oubliée des processus de participation, nous avons eu recours au jeu vidéo Minecraft pour leur permettre de se projeter dans le quartier à réinventer et de s’exprimer plus aisément sur leurs attentes. Après une présentation succincte du projet et de ses enjeux, les participants ont été immergés dans un monde virtuel (« la map ») modélisant en 3D le quartier concerné par le projet. Répartis en trois équipes, les participants ont ensuite « été téléportés » au centre-ville afin de le crafter, c’est-à-dire d’y construire ou d’y déconstruire des éléments, en réponse à des questions posées par la maîtrise d’ouvrage. L’atelier s’est clos par un partage collectif de l’expérience.
Créé en 2009, Minecraft est l’un des jeux vidéo les plus populaires au monde, avec plus de 200 millions d’exemplaires vendus. Le jeu ne propose pas un scénario ou des règles fixes : il met à la disposition des joueurs un environnement ouvert où il leur est possible d’inventer leurs propres usages. L’univers de Minecraft est composé de blocs cubiques représentant des matériaux ou des éléments naturels (terre, pierre, bois, eau, végétation, etc.) qui peuvent être extraits, déplacés et recombinés pour bâtir toutes sortes de constructions. Le jeu fonctionne ainsi comme un immense « jeu de Lego numérique », avec des possibilités quasi illimitées : construction, destruction, décoration, agriculture, élevage...

Le jeu vidéo Minecraft se prête bien à la mise en dialogue de projets urbains, qui peuvent sembler complexes et abstraits de prime abord, surtout auprès de populations jeunes.
Contrairement aux plans classiques d’urbanisme, Minecraft, par son aspect graphique, en trois dimensions, favorise l’appréhension d’un projet par un public non initié grâce à la possibilité de l’immerger virtuellement dans un espace. En effet, à travers le jeu, il est possible de reproduire fidèlement n’importe quel espace public (rues, quartiers, villes, etc.). Les joueurs peuvent déambuler virtuellement dans un lieu, comme ils le feraient dans la vraie vie et reconnaître leur environnement quotidien. Des panneaux – et toute sorte de consignes - peuvent être positionnés dans le jeu afin d’apporter des explications ou des précisions aux participants (textes, plans de projets, illustrations…).
Grâce aux différents outils et objets proposés, le jeu permet de traiter un vaste champ de thématiques liées à l’aménagement urbain : la végétalisation, l’habitat, les commerces, les mobilités, le mobilier urbain, etc. Tout peut être construit sur Minecraft, que ce soient des immeubles, des plantations, des bancs, des fontaines, des jeux, des animaux et ainsi de suite. Les joueurs peuvent ainsi laisser libre cours à leur imagination, dans un cadre préalablement défini par les organisateurs.
Un travail préparatoire pour la réalisation de la “map” est nécessaire afin de reproduire à l’identique la zone de projet. Pendant cette phase, différents éléments contextuels peuvent également être ajoutés afin d’assurer une bonne compréhension du projet et de l’atelier, notamment avec la mise en place de consignes (panneaux virtuels, délimitations de la zone de projet...). Tous ces éléments sont entièrement personnalisables et adaptables en fonction du type de projet souhaité et des consignes imposées.
Minecraft présente l’avantage de toucher un public large en âge. Le jeu est très populaire auprès des jeunes, l’âge moyen des utilisateurs étant de 24 ans (près de la moitié des utilisateurs du jeu ont entre 15 et 21 ans). Pour autant, une part non négligeable des joueurs (15 %) a plus de 30 ans. Ainsi, le jeu présente le potentiel de pouvoir rassembler, pour un même événement de concertation, deux générations aux expériences de vie différentes n’ayant pas naturellement l’habitude de se retrouver ensemble. Le jeu peut également faciliter le dialogue entre des générations plus éloignées, grâce à l’entraide permise par la formation de groupes missionnées sur tel ou tel aspect. Par exemple, lors de l’atelier organisé aux Mureaux, un adulte d’une soixantaine d’années était présent parmi un groupe de jeunes de 8 à 15 ans, qui ont pu l’aider à mieux comprendre le fonctionnement du jeu vidéo.
Pour les publics les moins âgés, la dimension ludique (qui s’éloigne du cadre scolaire auquel ils sont habitués) et collaborative de Minecraft est une réelle plus-value dans la mise en dialogue des sujets d’urbanisme. Il est plus facile de capter leur attention, de les rendre actifs, de faire émerger des échanges et des débats entre eux. La cohésion de groupe se crée de manière plus évidente, grâce à la formation d’équipes.
Minecraft permet à des enfants et des adolescents, intimidés par la prise de parole en public ou hésitants quant à la valeur de leur contribution, de s’exprimer autrement. Plutôt que de devoir formuler leurs idées oralement, le jeu leur permet de les représenter directement par l’aménagement d’espaces ou la construction de bâtiments.
En facilitant et libérant l’expression des jeunes qui vivaient une première expérience de travail collectif en atelier, Minecraft permet de renforcer leur confiance en eux et leur donne une réelle légitimité dans le processus de concertation.
Au-delà de l’aspect ludique, Minecraft permet aux jeunes d’être immergés dans un projet concret à travers une interface qui leur est familière et facile d’utilisation. Bien que la notion de la concertation ne soit généralement pas connue des enfants, le dialogue est assuré à travers leurs actions dans le jeu. Ils découvrent ainsi de manière intuitive ce que signifie « participer » à une concertation et comment leurs choix peuvent apporter des idées pour des aménagements, dans un espace commun, dans lequel ils se sentent concernés. Ils deviennent ainsi de réels acteurs. De cette manière, ce type d’atelier fait office de porte d’entrée à la pratique de la démocratie participative.

Cet atelier a permis aux jeunes de s’emparer concrètement du projet et d’être intégrés au processus de concertation, au même titre que les adultes. Grâce à cette animation, ils ont découvert le principe de la concertation et l’importance de participer à la construction de l’avenir de leur ville, tout en se sentant libres de s’exprimer, dans un cadre ludique et pédagogique.
Les jeunes participantes et participants se sont révélés très sensibles aux enjeux de transition écologique du projet. En effet, la végétalisation du centre-ville ressort de façon presque unanime comme étant l’enjeu le plus important des futurs réaménagements : dans la map, de nombreuses toitures ont été végétalisées par les participants, ils ont planté des fleurs et des arbres en abondance dans les rues, et ont proposé la création d’un nouveau parc dans le centre-ville. Dans les espaces verts existants, il est intéressant de souligner que les jeunes ont proposé l’intégration de plusieurs éléments de biodiversité, notamment grâce à la création d’une ferme et d’une ruche. Les participants ont par ailleurs souhaité revoir l’espace de façon plus aérée, pour laisser plus de place à la végétation et pour permettre aux habitants et habitantes des Mureaux d'avoir davantage d’espace : plusieurs bâtiments ont été détruits (ou bien les étages les plus élevés de ceux-ci) et des terrasses ont été rajoutées pour créer davantage d'espaces extérieurs.
Enfin, les jeunes se sont montrés attachés à la création de lieux de convivialité, notamment dans les parcs, avec la construction de tables de pique-nique, de chaises et de bancs. Ils ont imaginé aussi, bien sûr, plusieurs espaces de jeu. Certains participants ont également proposé d’installer un terrain de football sur le parvis de la gare ou encore des jeux d’échecs.
Ces contributions démontrent que les jeunes ont détecté les mêmes enjeux forts que les adultes, en termes de végétalisation de l’espace et de création de lieux de convivialité, avec un accent plus prononcé sur la place de la biodiversité et des espaces de jeux.
Cependant, les attentes concernant les commerces divergent chez les jeunes et chez les adultes. En effet, alors que ces derniers ont insisté sur le besoin de commerces de proximité et de lieux de rencontres tels que des cafés ou des restaurants traditionnels, la plupart des jeunes souhaitent quant à eux voir des grandes enseignes dans leur centre-ville et des espaces de restauration rapide.
C’était très sympa de voir le centre-ville des Mureaux dans l’univers Minecraft, le rendu était à la fois réaliste et ludique. Merci pour cette forme innovante et amusante de concertation qui a permis la participation des jeunes habitants.
Cet atelier a permis de donner une place à part entière aux jeunes dans la concertation, grâce à un dispositif adapté. À travers le jeu vidéo, les jeunes semblent plus à même de s’approprier le projet urbain, s’exprimer et prendre goût au travail en équipe. Ils laissent libre cours à leur imagination, et ne sont pas cantonnés à un espace de dialogue formel. Ils sortent d’un cadre qui pourrait leur rappeler celui de l’école - là où ils sont souvent évalués - ce qui pourrait freiner leur expression.
Le jeu vidéo Minecraft s’est révélé particulièrement adapté dans le cadre d’une concertation sur la transformation d’un centre-ville mais sa nature malléable le rend utilisable au service d’autres politiques publiques. Les possibilités offertes par Minecraft, voire par le jeu vidéo, en concertation ne demandent donc qu’à être explorées !
